Visuel “Notre spécificité à Strasbourg, c’est le Conseil de l’ESS“
11.07.22

“Notre spécificité à Strasbourg, c’est le Conseil de l’ESS“

Pour prendre un peu plus de hauteur et comprendre l’ancrage de l’Economie Sociale et Solidaire (ESS) dans un territoire donné, le So good Tour a pu échanger avec une personnalité reconnue de l’ESS alsacienne : Sandra Guilmin, chargée de mission ESS à la Ville et Eurométropole de Strasbourg.

C’est la hantise de beaucoup mais l’étape inéluctable pour qui veut un peu changer le monde : la feuille blanche. Par où commencer ? Comment ? Avec qui ? Pour quels objectifs ? C’est face à cette feuille blanche que Sandra Guilmin, issue du milieu associatif, s’est retrouvée, un beau jour de 2010. Elle vient d’accepter la charge du développement de l’économie sociale et solidaire (ESS) pour la Ville et l’Eurométropole de Strasbourg. “Il y a 100 personnes dans la salle, nos questions à l’écran, un dialogue sans filtre entre les élus et les acteurs de terrain, les agents des collectivités aussi.“ C’est la première du Conseil de l’ESS, piloté et coprésidé par la Maire de Strasbourg, la présidente de l’Eurométropole et le CRESS (Chambre Régionale de l’ESS). A l’époque, le terme de « co-construction » n’a pas autant la cote qu’aujourd’hui. Une dizaine d’années plus tard, ce conseil strasbourgeois de l’ESS a clairement fait du chemin. “C’est une instance de co-construction de nos politiques publiques et par laquelle, en général, tout démarre, acquiesce Sandra Guilmin. De l’extérieur, c’est toujours ce Conseil qui est cité comme une réussite et notre spécificité sur Strasbourg.“ Avec sa situation transfrontalière, Strasbourg présente aussi une proximité évidente avec l’Allemagne, et l’habitude de travailler avec son voisin. “On a une structure qui travaille spécialement sur ces questions transfrontalières, confirme-t-elle. Surtout que le concept de l’ESS n’existe pas vraiment en Allemagne. Ça a commencé à s’ouvrir depuis le sommet de l’économie sociale à Mannheim en 2021.“

(Ci-dessus, écoutez le premier épisode de Direction Demain, enregistré à Strasbourg auprès de Moi, moche et bon, une marque antigaspi de jus de fruits, partie à la chasse aux écarts de tri).

Agir sur la santé mentale des jeunes

Les 5 et 6 mai derniers, Strasbourg s’ouvrait d’ailleurs elle-aussi à tous les acteurs européens de l’ESS pour un grand raout au titre ambitieux : L’économie sociale, le futur de l’Europe. Mis à part un petit problème de wifi un bout d’après-midi, tout s’est “très bien passé“, même si Sandra Guilmin admet avoir été marquée par un sujet tout particulièrement : “Les jeunes réclament qu’on travaille sur leur santé mentale. Qu’ils ressentent un tel besoin, je trouve ça fort. Et ça en dit long sur leur état.“ La crise sanitaire est passée par là et n’a pas été non plus sans conséquences pour le quotidien de Sandra Guilmin : “On est en reconstitution de notre écosystème. La crise nous a tous mis à terre.“ Depuis 2010 et le lancement de ce Conseil de l’ESS, les thèmes de l’impact positif – “dans les collectivités, on est plutôt attaché à l’expression économie sociale et solidaire“ avertit-elle tout de même – n’ont cessé d’infuser. Le conseil écrit rapidement, avec les acteurs du territoire, un plan d’action pour développer l’innovation sociale. “On sortait d’un programme européen sur l’innovation sociale“ renseigne Sandra Guilmin. Le French Impact, plus tourné sur les initiatives entrepreneuriales, débarque au même moment dans la région et solidifie une dynamique bien lancée. Si, au départ, la mission de Sandra est de donner plus de visibilité aux initiatives positives des collectivités, elle s’aperçoit aussi qu’il faut inventer les outils manquant au développement de l’ESS sur le territoire strasbourgeois. Parfois, il suffit d’un déplacement professionnel à Milan, et d’une discussion dans un bus pour s’inspirer et accoucher d’une belle idée. C’est le cas de la plateforme Okoté, plateforme de matchfunding inventée par toutes les parties prenantes. “Si un habitant met 1 euro parce qu’il est convaincu par un porteur de projet, la collectivité met 1 aussi et une entreprise privée aussi. C’est un triple levier financier. Pour le moment, tous les porteurs de projets ont réussi leur levée de fond avec Okoté“, se félicite Sandra Guilmin.

(Ci-dessus, écoutez le premier épisode de Son fief, sa bataille, enregistré à Strasbourg à la rencontre de Commown qui vise à réduire au maximum l’empreinte carbone de nos objets numériques).

Objectif « 100% apprenant »

A l’évidence, elle est fière du chemin parcouru par l’ESS sur son territoire. La région strasbourgeoise a aujourd’hui ses champions du domaine. Sandra Guilmin cite la pépite de l’autopartage avec Citiz, la santé par l’activité physique adaptée avec Siel Bleu ou encore Activ’Action. “Ils ont inventé des méthodologies hyper positives pour que les personnes en situation de chômage se reconstruisent, fassent valoir leurs atouts différemment, dans leur savoir-être, leur savoir-faire, détaille Mme Guilmin. Je remarque qu’avec leur méthodologie, la coopération et l’information circulent plus vite entre des acteurs aussi divers que les acteurs de l’insertion, des collectivités, des habitants, des associations de quartiers.“ La méthodologie, c’est d’ailleurs ce qui intéresse au plus haut point Sandra Guilmin, qui veut faire de sa région strasbourgeoise un “territoire 100% apprenant“ sur le terrain de l’ESS. Apprendre en faisant, et partager autant que possible ses apprentissages : tel est le credo de la Ville et l’Eurométropole de Strasbourg pour pousser au mieux l’impact. Et il n’y a rien à perdre, tout à gagner promet Sandra Guilmin : “Je n’en reviens pas à quel point les gens sont gentils et bienveillants. Le premier impact positif, c’est quand même ça quoi. On est avec des gens qui font du bien, qui mènent des projets qui font du bien, qui trouvent des solutions. Que demande le peuple ?“ Avant de nous quitter, Mme Guilmin laisse quand même quelques nouvelles pistes de réflexion : “Aller plus loin sur la transition écologique et la problématique du changement d’échelle dans l’ESS.“ Ce n’est pas un mince boulot mais Sandra est optimiste, en convoquant les confidences d’un de ses champions de l’ESS. “Activ’Action est né à Strasbourg et ils sont allés sur d’autres régions. Et ils nous disent à chaque fois : ‘ah purée, les gens sont tellement accueillants à Strasbourg, c’est pas partout pareil’.“