Visuel « Une bonne politique écologique ne peut se faire sans une ESS cohérente »
03.10.22

« Une bonne politique écologique ne peut se faire sans une ESS cohérente »

Pour comprendre l’ancrage de l’économie sociale et solidaire à Grenoble, le So good Tour a pu échanger avec Marion Perroy, directrice de GAIA, une association qui ne représente pas les intérêts de mère nature, plutôt ceux de porteuses et porteurs de projet qui ont du sens. L’ ambition, confirmer la place forte qu’occupe la capitale des Alpes en matière d’économie de proximité.

Saisir l’étoffe grenobloise, les coutures qui nouent son armature, c’est avant tout se laisser engloutir par les massifs montagneux qui ceinturent la ville dès l’entrée dans la ville. Les trois géants rocheux que sont la Chartreuse, Belledonne et le Vercors justifient les surnoms qu’on donne à la cité, du plus officiel – la capitale des Alpes – ou plus officieux – la ville quechua. Après tout, dix minutes de voiture suffisent pour randonner, bivouaquer, courir, grimper, skier, kayaker. Vues d’en bas, ces excroissances montagneuses offrent également un panorama surréaliste. La moitié des rues débouchent sur des titans de roche, ce qui a rendu nécessaire la construction d’une autre curiosité : l’un des premiers téléphériques urbains au monde. Un câble et une série de cabines rondes qui relie Grenoble au Fort de la Bastille, ancien fort militaire perché quelque 250 mètres plus haut. Construit en 1934, peu de temps après ceux de Rio de Janeiro et Cap Town, le téléphérique grenoblois donne une vie panoramique de la ville, et fait d’elle une pionnière en matière de mobilité nouvelle. Un avant-gardisme qu’on retrouve aussi dans la dynamique écologique de la ville, ne serait-ce que par la multiplication des zones à circulation restreinte (ZCR) et à faibles émissions (ZFE), la suppression quasi-totale des panneaux publicitaires ou encore la végétalisation des menus à la cantine. « On est aussi très connu pour nos filières scientifiques et technologiques, que ce soit le CNRS, le CEA, nos campus d’innovations et nos laboratoires européens. Moi, mon but personnel, c’est que l’innovation sociale de la métropole devienne, un jour, aussi notoire que l’innovation technologique », annonce avec éclat Marion Perroy, directrice de GAIA, une association dont l’acronyme mythologique signifie « Grenoble Alpes Initiative Active ». La directrice de l’association n’a pas peur de tutoyer les étoiles, elle qui accompagne depuis une dizaine d’années un tas de structures dans l’élaboration de projets sociaux, environnementaux et locaux. « GAIA est l’une des premières initiatives de l’ESS grenobloise et iséroise. On s’est lancé fin 1998, bien avant la dynamique écolo d’Eric Piolle en 2014. » Un élan né dans le sillon de Michel Destot, maire PS de Grenoble de 1995 à 2014, dont la vision sociale et solidaire de l’économie a infusé la ville. Ce qui se ressent d’ailleurs dans les chiffres, la capitale des Alpes bénéficiant d’un millier d’établissements issus de l’ESS, avec au total 9400 emplois et 14% des établissements de la ville.

(Ci-dessus, écoutez le quatrième épisode de Direction demain enregistré à Grenoble à la rencontre de Dabba Consigne, une petite boite grenobloise qui met les petits plats dans les grands).

L’atelier Paysan, Champiloop, Alpesolidaire

L’un des problèmes majeurs que l’ESS grenobloise a combattu aux côtés de la ville, c’est la pollution. Un problème de santé publique pour la métropole, accru par un double phénomène. D’abord celui des transports routiers qui passent par la nationale et la A480, sur les contreforts de la ville. Ensuite le fameux effet cuvette qui rend difficile l’évacuation de l’air pollué. « La ville a beaucoup travaillé sur les mobilités, que ce soit sur l’optimisation du fret, l’usage du vélo cargo pour le dernier kilomètre, la restriction de la voiture en centre-ville ou la massification d’infrastructures vélo. » En matière de vélo justement, le système ne fonctionne pas sur celui du libre-service comme les bornes Velib’ à Paris ou Velo’v à Lyon. Il faut passer par une agence et accrocher son solex à un rack comme si c’était le sien, à l’image de Véligo par exemple. Reste que le prix est très attractif et les vélos suffisamment standards pour n’être que peu convoités. Autre politique forte de l’ESS à Grenoble, l’inclusion des habitants de quartiers défavorisés. « Les quartiers sud, ceux de la Villeneuve et du Mistral notamment, ont souffert d’une urbanisation faite à la va-vite et d’une insertion socio-économique insuffisante. La vie économique et le taux d’emploi sont là-bas plus bas que partout ailleurs. C’est pour ça qu’on a favorisé l’implantation de cafés associatifs et qu’aujourd’hui, on soutient la French Tech Tremplin, qui vise à plus de diversité dans l’entrepreneuriat numérique. » L’association a aussi encouragé le projet Artis, trois bâtiments d’entreprises engagées construits au Mistral, à Échirolles et Fontaine, afin de dynamiser les fameuses ZUS – zone urbaine sensible. Ces « hôtels d’activités » visent à créer de l’emploi là où il y en a besoin, au plus près des quartiers prioritaires. Face à la diversité d’activités que recouvre l’ESS, l’association Alpesolidaire s’est en outre chargée de coordonner la filière en regroupant les acteurs autour de soirées thématiques, apéros ESS et temps de sensibilisation. « C’est là qu’on peut découvrir de super projets comme l’Atelier Paysan, qui se trouve à plus de 30km de Grenoble, dans les terres d’Isère. Je pense aussi à Champiloop, qu’on pensait découvrir hors de la ville, mais qui va bientôt faire pousser des champignons bio et locaux dans un ancien parking réaménagé. Il y a aussi Alma, une grosse coopérative numérique et industrielle, détenue intégralement par ses 160 salariés. » Bref, toute une flopée d’acteurs, sans compter les tiers lieux comme La Capsule, dédié à la jeunesse et à la culture, ou le Bar Radis, un rooftop avec des surfaces cultivables. On a hâte de voir comment la culture quechua va s’adapter.

(Ci-dessus, écoutez le quatrième épisode de Son fief, sa bataille, enregistré à Grenoble avec l’Atelier Paysan, une coopérative qui accompagne les agriculteur·ices dans la fabrication de machines adaptées à une agroécologie paysanne).