Visuel “Marseille, la locomotive de l’innovation sociale française“
15.07.22

“Marseille, la locomotive de l’innovation sociale française“

Pour prendre un peu de hauteur et comprendre l’ancrage de l’économie sociale et solidaire (ESS) dans la cité phocéenne, le So good Tour a pu échanger avec Daphné Charveriat, spécialiste de l’innovation sociale et co-directrice de Marseille Solutions, une asso qui accompagne des projets à fort impact sociaux et environnementaux.

Ça fait huit ans qu’on est à Marseille, mais l’écosystème social était déjà bien en place avant notre arrivée“, reconnaît avec humilité Daphné Charveriat, l’une des cinq co-directrices de Marseille Solutions. L’association, visiblement sensible à la gouvernance partagée, connaît bien les raisons de cette solidarité phocéenne. “Il y a dans cette ville une profonde culture de l’entraide, fruit d’une grande pauvreté et d’un chômage fort, mais aussi d’une histoire qui lui est propre.“ Cette histoire, c’est celle d’une longue immigration, d’abord italienne, puis arménienne, avant d’être maghrébine. Un flux continu de nouveaux arrivants qui a fait de Marseille une cité méditerranéenne riche dans sa diversité. “Dans une même rue, tu peux croiser des cadres dynamiques en costards et des jeunes de quartiers populaires,“ résume celle qui habite à Marseille depuis une quinzaine d’années déjà. “L’autre singularité de Marseille, c’est sa nature permissive. Les espaces sont assez peu contrôlés, il y a des zones de liberté un peu partout. Cette latitude est propice à la créativité, ça fait naître ce qu’on appelle des ‘rebelles constructifs’ très engagés.“ Daphné en veut pour preuve une récente étude de France Active qui révèle que l’économie sociale et solidaire rassemble à Marseille plus de 40 000 salariés, soit 19 % des actifs de la ville. “C’est énorme“, s’enthousiasme-t-elle. Une assise historique de l’ESS qui a été récemment renforcée par le printemps marseillais, une sorte de NUPES phocéenne qui a vu la social-écologie remporter les municipales de 2020, détrônant une droite au pouvoir depuis 25 ans. “Ça nous a donné une grande impulsion. La ville est devenue peu à peu un laboratoire à ciel ouvert. Avant on parlait de Marseille pour son insécurité et son insalubrité, aujourd’hui, c’est pour sa vitalité et ses mille et une initiative en matière d’ESS. Car si Marseille a des problématiques, elle a surtout des ressources pour les surmonter“, analyse la Marseillaise de coeur et de sang.

(Ci-dessus, écoutez le deuxième épisode de Son fief, sa bataille enregistré à Marseille qui reviendra sur le patrimoine historique et l’innovation sociale).

“On fédère une communauté de rebelles constructifs“

Et là où l’ESS se déploie, les tiers-lieux prennent le pas. Cet aphorisme inventé sur le tard sied tout particulièrement à Marseille, où les lieux de rencontre, d’échange et de solidarité ont poussé à vitesse éclair cette dernière décennie. Et ce n’est pas Daphné qui dira le contraire, elle dont le métier est justement d’accompagner des projets sociaux et environnementaux à leur terme. “Il doit y a avoir une trentaine de tiers-lieux dans la ville. Certains sont à caractère culturel comme la Friche La Belle de Mai ou Le Couvent Levat, d’autres à vocation sociale comme Coco Velten ou Les jardins d’Haïti, quand les derniers ont une dimension agro-alimentaire et écologique, à l’image du Talus ou de L’Après M.“ Pour les petits curieux, voici la carte interactive des tiers-lieux, idéale pour vos prochaines vacances. “À vrai dire même les locaux ne peuvent pas tout connaître. La dynamique de l’ESS se loge dans un monde presque parallèle. Perso, je ne l’ai découverte qu’après des années sur place, quand j’ai créé un espace de coworking où on accueillait gratuitement les asso du quartier. Toute une ribambelle d’acteurs historiques et de nouveaux venus sont venus me voir. C’est là que je me suis rendu compte que Marseille était la locomotive de l’innovation sociale française.“ Car à la différence d’autres villes inspirantes comme Nantes ou Paris, Marseille bénéficie d’un momentum entre les anciennes et les nouvelles structures. “On fédère une communauté de rebelles constructifs, certains chevronnés, d’autres plus débutants. C’est un combo assez puissant. L’un des derniers projets en date, c’est celui du collectif Toits & Nous. Ils ont lancé le Marseille Rooftop Day pour démocratiser l’accès aux toits phocéens. Ils revendiquent un droit au ciel, à l’image du droit du sol, afin d’ouvrir d’autres espaces de rencontre, où des personnes de milieux différents pourraient se rencontrer.“ Une revendication aussi concrète qu’onirique qui nous montre qu’à Marseille, le pessimisme de la raison s’est incliné face à l’optimisme de la volonté.

(Ci-dessus, écoutez le deuxième épisode de Direction demain enregistré à Marseille à la rencontre de Coco Velten, un tiers-lieu géant social et solidaire).