Visuel Le confessional de Bertrand Belin Bertrand Belin © Bastien Burger
16.12.22

Le confessional de Bertrand Belin

Il y a les petites habitudes moches dont on n’arrive pas à se défaire, il y a les faux pas d’un jour, que, promis, on ne va pas recommencer et il y a les dérapages incontrôlés, qu’on voudrait vraiment oublier. C’est ici que des personnalités viennent confesser ces péchés capitaux ou micro, car il le faut bien, dans une société de la perfectionnite aiguë et de l’éco-anxiété. Dans son numéro 9, So good reçoit Bertrand Belin, chanteur. Amen.

Quel est votre péché, Bertrand?

Je fume. Depuis l’âge de 12 ans.

Vous vous souvenez de votre première cigarette?

Je me rappelle, c’est un copain qui me l’avait filée, il s’appelait Thomas. Il fumait des JPS noires. Elles étaient assez luxueuses, pleines de mystère aussi, un peu la Dark Vador de la cigarette. C’était la clope, mais dans sa version encore plus sulfureuse. Et j’avais vomi partout, mais j’avais poursuivi quand même, parce que c’était très important de fumer à l’époque. On sait bien qu’on a été mis au tabac en répondant à des instructions discrètement imposées par les grandes industries. Et on croit quand même, comme dans bien des domaines, que ça participe de notre libre-arbitre, et ça, c’est troublant. Donc on s’arrange avec sa propre mythologie, on reprend pour soi celle du cinéma et du rock and roll. La cigarette, c’est aussi une façon de se rebeller, d’avoir une sorte de force en société. Du moins, c’est ce qu’on croit ; évidemment, il n’en est rien.

Qu’est-ce qui compte dans la cigarette?

Pour moi, le plus important, c’est le feu. On possède avec soi un feu portatif. On allume quelque chose qui flambe comme un petit foyer. C’est certainement les rudes épreuves des peuples nomades de la préhistoire qui se transportent jusqu’à nos jours avec les cigarettes. Vous voyez bien que j’ai construit un récit pour me disculper d’être, comme chacun, le dindon de la farce.

Bertrand Belin Mon péché, c’est la cigarette, depuis l’âge de 12 ans

Est-ce que chaque cigarette est un plaisir?

Oui, car je ne fume plus autant qu’avant. Je fume par plaisir. Je ne fume plus un paquet par jour comme j’ai pu le faire, mais je fume tous les jours.

Vous n’avez jamais arrêté?

Un copain qui n’a jamais fumé de sa vie, m’a dit: “Tu devrais arrêter.” Je l’aimais beaucoup et je suivais tous les conseils, donc j’ai arrêté immédiatement. Trois ans. Puis j’ai repris.

Fumez-vous avec culpabilité?

Jamais. Je suis quand même rappelé par les messages de la santé publique, je sais que c’est mauvais. Peut-être que je m’illusionne sur le rapport plaisir / santé. Il y a des choses qui abîment la vie et en même temps procurent un certain plaisir. Et le plaisir, ce n’est pas un accessoire. Concernant la culpabilité, il faut quand même rappeler que dans les écoles françaises, pour la fête des pères, on demandait à des enfants de 6 ans de fabriquer des cendriers. Le changement de paradigme est quand même étrange, même si bien sûr, je ne remets pas en question le fait que ce soit justifié du point de vue de la santé. Il faut noter en même temps qu’on vit en ville au milieu d’un bassin de population de 15 millions d’habitants rempli de bagnoles…

La pénitence

À défaut de Pater ou d’Ave, 24 heures enfermé dans une salle fumeur de boîte de nuit, et trois mégots pour le dessert.

Propos recueillis par Éléonore Théry.

Article issu du n°9 du magazine So good, sorti en kiosque le 7 juillet 2022.