Visuel La clef
09.04.21

La clef

Après un an d’occupation de La Clef, dans le Vème arrondissement de Paris, les cinéastes, auteurs, monteurs et cinéphiles membres de l’association Home Cinéma ont décidé de créer un fonds de dotation pour racheter eux-mêmes le bâtiment qu’ils souhaitent sauver. Explication avec Bulle Meignan, membre de l’association. 

Comment est née l’idée de racheter le cinéma ?
Cet été, on a commencé à comprendre que la mairie ne rachèterait pas le cinéma, même si elle nous soutenait. Le 21 septembre, on a eu notre procès en appel, avec un délibéré fixé au 21 octobre, on pouvait avec un délibéré défavorable, se retrouver sans solution derrière et on ne pouvait pas se résoudre à abandonner. Il fallait qu’on tente le tout pour le tout : alors on tente de racheter le cinéma !

C’était le bon moment ?
On était en position de lancer ça. On a su médiatiser notre occupation, on est plus connus, c’est plus facile aujourd’hui qu’il y a un an. Et il y avait une cohérence avec tout ce qu’on avait fait avant, on a fait un super mois de septembre avec des noms identifiés qui sont passés présenter des films au cinéma, les médias nous ont suivis, ça commençait à bien marcher.

Deux anciens employés avaient lancé une collecte de fonds en 2019 pour racheter le cinéma, en quoi votre projet diffère-t-il du leur ?
Notre force c’est d’être un collectif, les gens le sentent et le voient, chacun veut défendre la Clef comme si c’était son cinéma. On s’est posé plein de questions : comment peut-on racheter un bâtiment ? Qu’est ce qui se fait ailleurs dans le milieu alternatif ? Comment on détourne une propriété privée ? Qu’est ce qu’on peut inventer de nouveau alors que dans le droit français, il faut un propriétaire ?

Votre collecte de fonds sert à créer un fonds de dotation pour racheter le bâtiment…
L’idée c’est que le fonds de dotation devienne propriétaire du bâtiment. Ca permet de séparer la propriété du bâtiment de l’usage qui en est fait, et ça nous permet d’avoir un bail long, de sauver le cinéma et de protéger la démarche solidaire, sans que le lieu puisse être soumis à la spéculation immobilière et revendu. Si l’association Home Cinéma périclite, le fonds de dotation peut donner usage de ce bâtiment à une autre association, qui respecte les mêmes valeurs. Dans la campagne, les gens ont parfois du mal à comprendre cette idée. En donnant 100 ou 1000 euros, ils ne comprennent pas pourquoi ils ne seraient pas en partie propriétaires du bâtiment. Mais ce n’est pas l’enjeu. Ici, le cinéma appartient à tout le monde, ça devient un bien commun.  

Comment avez-vous organisé votre collecte de fonds ?
On vise un million d’euros via la campagne de fonds. On a ciblé d’abord les gens très impliqués dans le projet, les adhérents de l’association, les gens qui nous suivent sur les réseaux sociaux. A l’appel aux dons, on ajoute aussi un appel au mécénat, on a traduit la campagne en anglais, en italien, en espagnol et en russe pour déployer la démarche dans le réseau des cinémas européens qui s’appelle Kino Climates, qui défendent la liberté et la diversité dans la programmation, avec une organisation indépendante. On vise aussi un crédit d’un million d’euros pour atteindre les 4 millions et racheter le bâtiment.