Qui dit Festival de Cannes, dit soirées méga VIP, crépitement de flashs, sourires plus ou moins factices, jets et autres yachts privés ? Une recette qui passe de plus en plus mal en 2023. Retour sur un vent de contestation inédit soufflant sur la Croisette.
Si l’on veut briller en société, du moins dans ses plus hautes sphères, on a rarement mieux fait qu’un yacht étincelant (d’où les inévitables lunettes de soleil) judicieusement amarré dans une luxueuse marina en mer Méditerranée. Et à ce jeu-là, il y a quelques rendez-vous incontournables à ne pas manquer : Saint-Tropez en été, le Monaco Yacht Show au début de l’automne et évidemment, l’auto-proclamé “plus grand festival de cinéma du monde” au mois de mai. La grande messe du 7e art donne ainsi lieu à un défilé continu de bateaux estampillés “ultrariches”, ce qui a le don d’exaspérer un grand nombre de collectifs écologistes. Et oui, ces joujous à plusieurs millions sont du genre dispendieux niveau gasoil.
Savez-vous ainsi combien consomme un yacht ? Pour répondre à cette question, le compte twitter Yacht CO₂ Tracker propose de suivre la production de CO2 des yachts les plus polluants réunis à Cannes. Un indicateur qui s’est avéré être bien utile au collectif écologiste Attac. Samedi 20 mai, à l’occasion de la 76e édition du festival international, une quinzaine d’activistes se sont donc réunis sur le port de plaisance de la ville, appelée Port Canto. Dans leur viseur ? Les bateaux des plus fortunés tous présents pour l’occasion.
800 litres de diesel cramés par heure
Muni d’une banderole “ne laissons pas les ultrariches détruire la planète”, les militants ont déployé le slogan devant le plus grand bateau à quai. L’engin, propriété d’un prince saoudien, fait 78 mètres de long pour 800 litres de diesel consommé par heure naviguée. En tout, Attac a comptabilisé 41 bateaux de luxe amarrés dans la baie. À eux seuls, ces derniers émettraient 85 tonnes de CO2 par heure de navigation. Des navires “toujours plus gros, plus inutiles, plus polluants”, s’indigne notamment le collectif Yacht CO₂ Tracker dans un billet de blog sur Mediapart. En parallèle, des militants d’Extinction Rebellion, ont entravé le départ de jets privés sur le tarmac de l’aéroport de Cannes-Mandelieu, à l’aide des voitures télécommandées munies de fumigènes.
Les pieds dans le tapis rouge
Ces diverses mobilisations s’inscrivent dans un contexte de forte contestation sur la manière dont les “grands de ce monde” se déplacent. En atteste la récente popularité du “flight tracking” (traçage de vols), illustré par le compte twitter I fly Bernard. Ses 65,7 milles abonnés peuvent ainsi suivre à la trace les déplacements du milliardaire français Bernard Arnault. En avril dernier, le député vert Julien Bayou voyait, lui, son projet de loi visant à interdire les vols en jets privés rejeté par l’assemblée.
En parallèle de ces actions, le média d’investigation Disclose a révélé, dans une enquête publiée le 17 mai dernier, que “80 % des émissions de CO2 du Festival de Cannes sont causées non par les fibres du tapis rouge mais par les déplacements des stars en avion, leur séjour sur des yachts amarrés dans la baie ainsi que l’hébergement du public”.
Et au palais des festivals, les stars aussi prennent position, quitte à… se prendre parfois les pieds dans le tapis rouge. Les propos de Harrison Ford, venu sur la Croisette pour la promotion du prochain Indiana Jones, ont ainsi provoqué pas mal de railleries. Interviewé au journal de 20h sur France 2, il a déclaré, évoquant la crise climatique en cours : « Si on ne se bouge pas le cul maintenant, on va perdre cette planète ! ». Puis, d’avouer un plus loin dans le même entretien, posséder plusieurs avions, une passion qu’il pratique depuis 25 ans.
Un sujet à retrouver aussi dans 10 minutes pour sauver le monde, la quotidienne de So good Radio.